Hace mucho tiempo que no escribo, porque de tiempo ando mal y de inspiración un poco peor. Pero ayer en clase de francés leí este texto que me ha recordado mucho a mi llegada a Alemania. Sin ser la mitad de dramática, por supuesto.
Si tenéis un ratito y medio entendéis el francés, echadle un vistazo. O buscad la traducción en Google, que la encontraréis.
Los comienzos son siempre duros, y siempre empezamos solos. Invisibles. Transparentes.
"Il a la peau brune, des cheveux crépus, des grandes
mains calleuses noircies par le travail. Son visage sourit et son front dessine
des rides serrées. Il a quarante ans peut-être moins.
Cet homme, habillé de gris, a pris le métro à la
station Denfert- Rocherau, direction Porte-de-la-Chapelle.
D’où vient-il ? Peu importe ! Son
visage, ses geste, son sourire disent assez qu’il n’est pas d’ici. Ce n’est pas
un touriste non plus. Il est venu d’ailleurs, de l’autre côté des montagnes, de
l’autre côté des mers. Il est venu d’une autre durée, la différence entre les
dents. Il est venu seul. Une parenthèse dans sa vie. Une parenthèse qui dure
depuis bientôt sept ans. Il habite dans une petite chambre, dans le
dix-huitième. Il n’est pas triste. Il sourit et cherche parmi les voyageurs un
regard, un signe.
Je
suis petit dans ma solitude. Mais je ris. Tiens, je ne me suis pas rasé ce
matin. Ce n’est pas grave. Personne ne me regarde. Ils lisent. Dans les couloirs,
ils courent. Dans le métro, ils lisent. Ils ne perdent pas de temps. Moi,
je m’arrête dans le couloirs. J’écoute
les jeunes qui chantent. Je ris. Je plaisante. Je vais parler à quelqu’un,
n’importe qui. Non. Il va me prendre pour un mendiant. Qu’est-ce qu’un mendiant
dans ce pays ? Je n’en ai jamais vu. Des gens descendent, se bousculent.
D’autres montent. J’ai l’impression qu’ils se ressemblent. Je vais parler
à ce couple. Je vais m’assoir en face de lui, puisque la place est libre, et je
vais lui dire quelque chose de gentil : Aaaaa… Maaaaa…. Ooooo… Ils se
lèvent et vont s’installer à l’autre bout du wagon. Je ne voulais pas les
embêter. Les autres voyageurs commencent à me regarder. Ils se disent :
quel homme étrange ! D’où vient-il ? Je me tourne vers un groupe de
voyageurs. Rien sur le visage. La fatigue. Je gesticule. Je souris et leurs
dis : Aaaaa… M aaaaa… Ooooo … Il est fou. Il est saoul. Il est bizarre. Il
est peut-être dangereux. Inquiétant. Quelle langue est-ce ? Il n’est pas
rasé. J’ai peur. Il n’est pas de chez nous, il a les cheveux crépus. Il faut
l’enfermer .Qu’est-ce qu’il veut ?
Rien.
Je ne voulais rien dire. Je voulais parler. Parler avec quelqu’un. Parler du
temps qu’il fait. Parler de mon pays : c’est le printemps chez moi ;
le parfum des fleurs ; la couleur de l’herbe ; les yeux des
enfants ; le soleil ; la violence du besoin ; le chômage ;
la misère que j’ai fuie.
On
irait prendre un café, échanger nos adresses…
Tiens
c’est le contrôleur. Je sors mon ticket, ma carte de séjour, ma carte de
travail, mon passeport. C’est machinal. Je sors aussi la photo de mes enfants.
Ils sont trois, beaux comme des soleils. Ma fille est une gazelle ; elle a
des diamants dans les yeux. Mon aîné va à l’école et joue avec les nuages.
L’autre s’occupe des brebis.
Je
montre tout. Il fait un trou dans le ticket et ne me regarde pas. Je vais lui
parler. Il faut qu’il me regarde. Je mets ma main sur son épaule. Je lui souris
et lui dis : Aaaaa… Maaaaa… Ooooo… Il met son doigt sur la tempe et le
tourne. Je relève le col de mon pardessus et me regarde dans la vitre :
Tu
es fou. Bizarre. Dangereux ? Non. Tu es seul. Invisible. Transparent.
C’est pour cela qu’on te marche dessus. Je n’ai plus d’imagination. L’usine ne
s’arrêtera pas. Il y aura toujours des nuages sur la ville. Dans le métro, ce
sera l’indifférence du métal. C’est triste. Le rêve , ce sera pour une autre
fois. À la fin du mois, j’irai à la poste envoyer un mandat à ma femme. À la
fin du mois, je n’irai pas à la poste. Je retourne chez moi.
Il descend au terminus, met les mains dans les
poches et se dirige, sans se presser, vers la sortie."
Tahar Ben Jelloun, Les Amandiers sont morts de leurs blessures.
Maspéro, 1976.